par Jacques Krynen
L'actuel regain de puissance de
la justice en France est souvent mis au compte du déclin de la démocratie
parlementaire, de l'effacement des valeurs traditionnelles ou encore de la «judiciarisation»
des comportements, voire de la complaisance des médias. Or l'emprise de la
magistrature sur la marche du pouvoir ne date pas d'hier, explique Jacques
Krynen, en historien spécialiste du droit et des idées politiques.
Pour comprendre les raisons de ce phénomène, il
entreprend, dans un premier volume, de mettre au jour, à travers l'immense
production d'écrits doctrinaux et professionnels du Moyen Âge et de l'Ancien
Régime, l'ensemble des savoirs et des convictions qui ont nourri l'action des magistrats.
L'image du pouvoir royal a toujours été associée à
l'idéal de justice, idéal dont par l'autorité de leur savoir les juges se sont
faits peu à peu les représentants, puis les dépositaires. D'abord auxiliaire,
la justice est devenue concurrente du pouvoir politique. En dépit de la réforme
des institutions, des formes et des procédures judiciaires sous la Révolution
et l'Empire, sa domination n'a fait que croître. Car elle ne se réduit pas à
trancher les procès, elle règne aussi sur les valeurs individuelles et
collectives, décide en dernier ressort des droits et des libertés réelles et,
par tous ces aspects, en impose aux dirigants, quels qu'ils soient.
Le second volume de cette
longue histoire, L'Emprise contemporaine des juges, portera sur l'ascension de
la justice de la Révolution à nos jours.