Les changements constitutionnels informels
Dans les systèmes juridiques de constitutionnalisme écrit,
la constitution ne se réduit pas à un texte, elle fonde au nom du peuple un
ordre politique et juridique qui s'inscrit dans la durée. Le principe de
rigidité constitutionnelle accompagne ce modèle de fondation : en prévoyant une
procédure spéciale de révision, il permet l'adaptation au temps de l'oeuvre
constitutionnelle tout en la prémunissant contre ses déformations trop aisées
par les acteurs juridiques.
Dans ce contexte, l'idée que la matière
constitutionnelle puisse évoluer en dehors des formes prévues suggère une
défaillance du constitutionnalisme écrit à canaliser l'exercice du pouvoir.
Cette étude s'est donnée pour objet l'ensemble des discours qui tentent
d'appréhender les changements constitutionnels informels, c'est-à-dire les
changements de signification(s) constitutionnelle(s) opérés par voie
interprétative.
En recourant à des concepts dérivés tels que les
conventions, les coutumes, etc., les discours traitent, souvent simultanément,
trois types de problèmes : celui de l'identification des changements
constitutionnels informels (Partie 1) ; celui de leur normativité (Partie 2) ;
et celui de leur légitimité (Partie 3). Analyser la construction, par les
discours, d'un concept de changement constitutionnel informel permet de
comprendre les raisons de son insaisissabilité.
Si ce concept cristallise en
lui-même la tension entre droit et pouvoir, entre droit et fait, entre droit et
politique, les discours y recourant oscillent souvent entre le maintien du
référentiel écrit comme cadre normatif et légitime, et son abandon.