Anne Lagerwall
La maxime ex injuria jus non
oritur signifie littéralement qu’un droit ne peut pas naître d’un fait
illicite. À priori, l’idée séduit par sa logique. Quoi de plus évident en effet
que de prévoir, par exemple, qu’une preuve obtenue par la torture n’est pas
valide ou qu’un État qui envahit le territoire d’un autre État ne peut y
exercer sa souveraineté.
Aussi logique qu’elle puisse paraître, cette maxime
dispose cependant d’un statut bien incertain en droit international. La Cour
internationale de justice ou la Commission du droit international s’y réfèrent
parfois comme à un principe bien établi. Mais de nombreux auteurs doutent de
son utilité pratique en soulignant le rôle prépondérant de l’effectivité en
droit international. Il est vrai que dans la pratique, il arrive qu’un fait
apparemment contraire au droit international donne naissance à une situation
dont les États s’accommodent sans trop se préoccuper du fait illicite originel.
Pour ne prendre qu’un seul exemple, l’opération militaire déclenchée en 2003
contre l’Irak a donné lieu à une administration étrangère du territoire qui a
fini par être acceptée par les États même si la majorité d’entre eux
considéraient que cette opération était contraire à la Charte des Nations
Unies. Ces paradoxes qui animent la pratique internationale ne sont pas sans
poser des interrogations qui touchent à la définition même du droit. Si on
admet qu’un fait illicite puisse créer des droits, est-ce qu’on ne voue pas le
système juridique à sa propre destruction ? Et si au contraire, on refuse
systématiquement qu’un fait illicite puisse créer des droits, est-ce qu’on ne
risque pas de creuser, trop profondément, le fossé qui sépare le droit de la
réalité qu’il est censé régir ? C’est à ces différentes questions que l’ouvrage
s’attelle en proposant une analyse approfondie du statut et de la portée du
principe ex injuria jus non oritur en droit international contemporain.